François Feroleto

« Le théâtre permet de vivre une expérience collective »

Depuis ses débuts, il y a près de trente ans, ce comédien d’origine italienne a collaboré avec de nombreux artistes dont entre autres Michel Bouquet, Claude Brasseur, Niels Arestrup et Jean-Claude Brialy. En plus d’être un grand habitué des planches, il trace également sa voie à la télévision et au cinéma avec prochainement Des hommes de Lucas Belvaux. Cette année, il signe sa première mise en scène avec la pièce Un train pour Milan. À cette occasion, il se livre sur sa vision du théâtre, sa passion pour l’auteur Dino Buzzati et ses origines italiennes.

« J’aimerais qu’on emmène au théâtre ceux qui n’y sont jamais allés... »

En quoi est-il essentiel de faire du théâtre aujourd’hui ?

Depuis quelques années, les écrans sont partout, dans les maisons, les magasins, la rue, les restaurants, les métros, les administrations… Nous sommes en permanence abreuvés d’images et souvent on est seul face à ce flot d’images. Le théâtre permet de vivre une expérience collective. Le temps d’un spectacle, des femmes et des hommes sont réunis pour regarder et écouter des acteurs leur raconter une histoire. Ça se passe ici et maintenant avec ces personnes-là. Demain ce sera différent, l’acteur de théâtre n’est pas le même d’un soir à l’autre, le public non plus n’est pas le même. C’est pour moi l’essence et la magie du théâtre.

Moi qui viens d’un milieu populaire, dans lequel il n’y avait aucun rapport avec la culture, je pensais que ce n’était pas pour moi, que je n’y avais pas droit

Comment inventer le théâtre de demain ?

En le rendant plus accessible. J’aimerais qu’on emmène au théâtre ceux qui n’y sont jamais allés, ceux qui pensent que ce n’est pas pour eux. Chaque fois que j’ai pu, en tant qu’acteur, faire vivre cela à des gens, ça a été merveilleux. Moi qui viens d’un milieu populaire, dans lequel il n’y avait aucun rapport avec la culture, je pensais que ce n’était pas pour moi, que je n’y avais pas droit. Et je pense qu’il faut commencer avec les plus jeunes, les scolaires mais sans les forcer à voir forcément les classiques qui sont au programme. Emmenons les voir des spectacles contemporains qui pourraient leur parler plus directement. Je pense par exemple à des spectacles comme La machine de Turing de Benoit Solès ou Réparer les vivants d’après le roman de Maylis de Kerangal adapté, mis en scène et interprété par Emmanuel Noblet. Ce sont des spectacles qui pourraient leur plaire et leur donner le goût du théâtre. Des spectacles populaires, accessibles, avec une vraie exigence artistique, dont on sort grandi, différent, ému. C’est le théâtre que j’aime.

Votre définition de la culture ?

Ce qui permet de se sortir de son quotidien, de s’élever, de grandir, de comprendre, de se divertir, de s’émerveiller, de s’ouvrir… Personnellement, ça m’a sauvé.

Quelles sont vos batailles pour la culture ?

Très modestement en soutenant autant que je le peux tous ceux qui se battent pour les droits des artistes et la place de la culture en France.

Votre rencontre avec un metteur en scène ?

Lucas Belvaux qui m’a dirigé dans deux films. Pour moi, un des plus grands réalisateurs qu’on ait en France aujourd’hui. Et un être humain rare. Je l’aime beaucoup.

Votre relation à la mise en scène ?

J’ai été assistant à la mise en scène au théâtre et c’est une chose qui m’a toujours intéressé, aussi bien sur un tournage qu’au théâtre. Un train pour Milan sera ma première mise en scène.

« J’aime ses personnages (ceux de Dino Buzzati, ndlr), en proie à un destin qui les dépassent... »

Votre prochain projet ?

Un train pour Milan, un seul en scène que j’ai co-écrit avec Christophe Gand d’après les œuvres de Dino Buzzati, que je jouerai au prochain festival d’Avignon.

Comment est né le projet Un train pour Milan ?

De mon envie d’inventer un spectacle autour de Dino Buzzati, un auteur qui m’accompagne depuis de nombreuses années.

Le cinéma italien des années 50 aux années 70, reste pour moi une référence absolue

Quelle place occupe la musique dans le spectacle ?

Une place prépondérante. Ce ne sera pas un spectacle musical mais elle sera très présente, que ce soit à travers l’harmonica, dont je vais jouer sur scène, la musique classique, Mozart, Brahms, Verdi, la chanson italienne, Adriano Celentano, Paolo Conte.

Pourquoi adapter les œuvres de Dino Buzzati ?

J’aime ses personnages, en proie à un destin qui les dépassent, en lutte contre la fatalité, contre l’injustice. Et j’aime son univers fantastique. J’ai envie de faire entendre tout cela sur un plateau de théâtre.

Que représente l'Italie pour vous ?

L’Italie est mon pays d’origine, j’y ai passé une partie de ma petite enfance et tous les étés jusqu’à l’adolescence. Et je continue d’y aller régulièrement. Dès que j’arrive en Italie, je me sens chez moi. Et le cinéma italien des années 50 aux années 70, reste pour moi une référence absolue.

« Je suis paresseux, mais comme je fais beaucoup de choses, ça ne se voit pas... »

Une confidence ?

Je suis gourmand. J’aime manger, boire. Je peux marcher 500 mètres de plus pour aller dans la bonne boulangerie ou pendant les vacances, faire un crochet de plusieurs kilomètres pour aller acheter des produits chez un artisan de qualité.

Un acte de résistance ?

Si on pense à ce que signifiait le mot résistance il y a 80 ans, tout ce que je vais dire est évidemment risible. J’essaie simplement de consommer et d’acheter local, sans faire appel à des groupes comme Amazon, que je boycotte.

Un signe particulier ?

Je suis très fidèle.

Un vice caché ?

Je suis paresseux, mais comme je fais beaucoup de choses, ça ne se voit pas trop.

Un personnage fétiche ?

Le prochain que je jouerai.

Un talent à suivre ?

La liste est longue des gens dont j’admire le talent. Récemment, j’ai eu un coup de cœur pour Clarisse Caplan et Thomas Armand que j’ai découvert dans Joséphine B. de Xavier Durringer au Théâtre La Scène Parisienne. Je les ai trouvés extraordinaires. Robin Migné, dont je jouais le père dans la saison 5 de Skam. Il est très doué, sensible, intelligent. La chanteuse Lonny, du folk, des morceaux guitare-voix, un son doux et envoûtant.

Avec I’ te vurria vasà, une chanson napolitaine de 1900, j’ai appris à jouer de l’harmonica pour mon spectacle Un train pour Milan

Que feriez-vous pendant une heure d’attente ?

J’observerai la vie autour de moi.

Ce que vous n’aimeriez pas que l’on dise de vous ?

Que je n’ai pas de parole, qu’on ne peut pas compter sur moi.

« Avec... »

...Manhattan de Woody Allen, j’ai eu envie de découvrir New York.

...Les Atrides mis en scène par Ariane Mnouchkine au Théâtre du Soleil, j’ai compris que le théâtre pouvait être un art mélangeant parole, danse, chant, musique.

...I’ te vurria vasà, une chanson napolitaine de 1900, j’ai appris à jouer de l’harmonica pour mon spectacle Un train pour Milan.

...Lettres à un jeune poète de Rainer Maria Rilke que j’ai lu à 19 ans, j’ai décidé d’arrêter la cuisine pour devenir comédien.

...les tableaux de Vincent Van Gogh exposés dans le musée qui lui est consacré à Amsterdam, j’ai rencontré la force et la beauté de la peinture.

...les "pasta al forno" de ma nonna italienne, j’ai succombé au péché de gourmandise très souvent.

...Bambi de Walt Disney, j’ai goûté au cinéma pour la première fois, je devais avoir 6 ou 7 ans. Je me souviens de l’atmosphère de la salle et de mon émotion.

« Mon message au public... »

J’ai hâte que nous puissions tous, spectateurs et artistes, retrouver le chemin des salles de spectacle pour partager des moments forts ensemble.

Publié le
05
.
01
.
2021
Par Jérôme Réveillère

Depuis ses débuts, il y a près de trente ans, ce comédien d’origine italienne a collaboré avec de nombreux artistes dont entre autres Michel Bouquet, Claude Brasseur, Niels Arestrup et Jean-Claude Brialy. En plus d’être un grand habitué des planches, il trace également sa voie à la télévision et au cinéma avec prochainement Des hommes de Lucas Belvaux. Cette année, il signe sa première mise en scène avec la pièce Un train pour Milan. À cette occasion, il se livre sur sa vision du théâtre, sa passion pour l’auteur Dino Buzzati et ses origines italiennes.

Photo © Martin Lagardère

« J’aimerais qu’on emmène au théâtre ceux qui n’y sont jamais allés... »

En quoi est-il essentiel de faire du théâtre aujourd’hui ?

Depuis quelques années, les écrans sont partout, dans les maisons, les magasins, la rue, les restaurants, les métros, les administrations… Nous sommes en permanence abreuvés d’images et souvent on est seul face à ce flot d’images. Le théâtre permet de vivre une expérience collective. Le temps d’un spectacle, des femmes et des hommes sont réunis pour regarder et écouter des acteurs leur raconter une histoire. Ça se passe ici et maintenant avec ces personnes-là. Demain ce sera différent, l’acteur de théâtre n’est pas le même d’un soir à l’autre, le public non plus n’est pas le même. C’est pour moi l’essence et la magie du théâtre.

Moi qui viens d’un milieu populaire, dans lequel il n’y avait aucun rapport avec la culture, je pensais que ce n’était pas pour moi, que je n’y avais pas droit

Comment inventer le théâtre de demain ?

En le rendant plus accessible. J’aimerais qu’on emmène au théâtre ceux qui n’y sont jamais allés, ceux qui pensent que ce n’est pas pour eux. Chaque fois que j’ai pu, en tant qu’acteur, faire vivre cela à des gens, ça a été merveilleux. Moi qui viens d’un milieu populaire, dans lequel il n’y avait aucun rapport avec la culture, je pensais que ce n’était pas pour moi, que je n’y avais pas droit. Et je pense qu’il faut commencer avec les plus jeunes, les scolaires mais sans les forcer à voir forcément les classiques qui sont au programme. Emmenons les voir des spectacles contemporains qui pourraient leur parler plus directement. Je pense par exemple à des spectacles comme La machine de Turing de Benoit Solès ou Réparer les vivants d’après le roman de Maylis de Kerangal adapté, mis en scène et interprété par Emmanuel Noblet. Ce sont des spectacles qui pourraient leur plaire et leur donner le goût du théâtre. Des spectacles populaires, accessibles, avec une vraie exigence artistique, dont on sort grandi, différent, ému. C’est le théâtre que j’aime.

Votre définition de la culture ?

Ce qui permet de se sortir de son quotidien, de s’élever, de grandir, de comprendre, de se divertir, de s’émerveiller, de s’ouvrir… Personnellement, ça m’a sauvé.

Quelles sont vos batailles pour la culture ?

Très modestement en soutenant autant que je le peux tous ceux qui se battent pour les droits des artistes et la place de la culture en France.

Votre rencontre avec un metteur en scène ?

Lucas Belvaux qui m’a dirigé dans deux films. Pour moi, un des plus grands réalisateurs qu’on ait en France aujourd’hui. Et un être humain rare. Je l’aime beaucoup.

Votre relation à la mise en scène ?

J’ai été assistant à la mise en scène au théâtre et c’est une chose qui m’a toujours intéressé, aussi bien sur un tournage qu’au théâtre. Un train pour Milan sera ma première mise en scène.

« J’aime ses personnages (ceux de Dino Buzzati, ndlr), en proie à un destin qui les dépassent... »

Votre prochain projet ?

Un train pour Milan, un seul en scène que j’ai co-écrit avec Christophe Gand d’après les œuvres de Dino Buzzati, que je jouerai au prochain festival d’Avignon.

Comment est né le projet Un train pour Milan ?

De mon envie d’inventer un spectacle autour de Dino Buzzati, un auteur qui m’accompagne depuis de nombreuses années.

Le cinéma italien des années 50 aux années 70, reste pour moi une référence absolue

Quelle place occupe la musique dans le spectacle ?

Une place prépondérante. Ce ne sera pas un spectacle musical mais elle sera très présente, que ce soit à travers l’harmonica, dont je vais jouer sur scène, la musique classique, Mozart, Brahms, Verdi, la chanson italienne, Adriano Celentano, Paolo Conte.

Pourquoi adapter les œuvres de Dino Buzzati ?

J’aime ses personnages, en proie à un destin qui les dépassent, en lutte contre la fatalité, contre l’injustice. Et j’aime son univers fantastique. J’ai envie de faire entendre tout cela sur un plateau de théâtre.

Que représente l'Italie pour vous ?

L’Italie est mon pays d’origine, j’y ai passé une partie de ma petite enfance et tous les étés jusqu’à l’adolescence. Et je continue d’y aller régulièrement. Dès que j’arrive en Italie, je me sens chez moi. Et le cinéma italien des années 50 aux années 70, reste pour moi une référence absolue.

« Je suis paresseux, mais comme je fais beaucoup de choses, ça ne se voit pas... »

Une confidence ?

Je suis gourmand. J’aime manger, boire. Je peux marcher 500 mètres de plus pour aller dans la bonne boulangerie ou pendant les vacances, faire un crochet de plusieurs kilomètres pour aller acheter des produits chez un artisan de qualité.

Un acte de résistance ?

Si on pense à ce que signifiait le mot résistance il y a 80 ans, tout ce que je vais dire est évidemment risible. J’essaie simplement de consommer et d’acheter local, sans faire appel à des groupes comme Amazon, que je boycotte.

Un signe particulier ?

Je suis très fidèle.

Un vice caché ?

Je suis paresseux, mais comme je fais beaucoup de choses, ça ne se voit pas trop.

Un personnage fétiche ?

Le prochain que je jouerai.

Un talent à suivre ?

La liste est longue des gens dont j’admire le talent. Récemment, j’ai eu un coup de cœur pour Clarisse Caplan et Thomas Armand que j’ai découvert dans Joséphine B. de Xavier Durringer au Théâtre La Scène Parisienne. Je les ai trouvés extraordinaires. Robin Migné, dont je jouais le père dans la saison 5 de Skam. Il est très doué, sensible, intelligent. La chanteuse Lonny, du folk, des morceaux guitare-voix, un son doux et envoûtant.

Avec I’ te vurria vasà, une chanson napolitaine de 1900, j’ai appris à jouer de l’harmonica pour mon spectacle Un train pour Milan

Que feriez-vous pendant une heure d’attente ?

J’observerai la vie autour de moi.

Ce que vous n’aimeriez pas que l’on dise de vous ?

Que je n’ai pas de parole, qu’on ne peut pas compter sur moi.

« Avec... »

...Manhattan de Woody Allen, j’ai eu envie de découvrir New York.

...Les Atrides mis en scène par Ariane Mnouchkine au Théâtre du Soleil, j’ai compris que le théâtre pouvait être un art mélangeant parole, danse, chant, musique.

...I’ te vurria vasà, une chanson napolitaine de 1900, j’ai appris à jouer de l’harmonica pour mon spectacle Un train pour Milan.

...Lettres à un jeune poète de Rainer Maria Rilke que j’ai lu à 19 ans, j’ai décidé d’arrêter la cuisine pour devenir comédien.

...les tableaux de Vincent Van Gogh exposés dans le musée qui lui est consacré à Amsterdam, j’ai rencontré la force et la beauté de la peinture.

...les "pasta al forno" de ma nonna italienne, j’ai succombé au péché de gourmandise très souvent.

...Bambi de Walt Disney, j’ai goûté au cinéma pour la première fois, je devais avoir 6 ou 7 ans. Je me souviens de l’atmosphère de la salle et de mon émotion.

« Mon message au public... »

J’ai hâte que nous puissions tous, spectateurs et artistes, retrouver le chemin des salles de spectacle pour partager des moments forts ensemble.