Brice Hillairet

« Je ne suis qu’un vecteur pour faire entendre cette œuvre qui parle de la quête d’identité... »

Deux ans qu'il se prépare à ce défi : incarner la chanteuse punk-rock Hedwig dans "Hedwig and the Angry Inch" de John Cameron Mitchell, mise en scène par Dominique Guillo, pour y raconter l'histoire d'un être en quête d'identité et qui décide de changer de sexe au moment où le Mur de Berlin est encore debout. À la veille de la première au Festival Off d'Avignon 2023, Brice Hillairet revient avec nous sur la création de cette comédie musicale et la préparation de son rôle.

« Le théâtre est arrivé grâce à une prof... »

Qu'est-ce qui vous a fait aimer / choisir le théâtre ?

Le besoin impérieux d’être sur scène, de performer comme on dit aux Etats-Unis. J’utilise ce mot-là car au tout départ, c’est-à-dire l’enfance, je ne savais rien du théâtre, je ne savais rien de rien d’ailleurs. Mais l’attirance pour la scène était physique, peu importe ce que j’y faisais. J’enfilais une paire de lunettes de soleil qui appartenait à ma mère (tiens tiens) car ça faisait star, et je chantais, et j’imitais tous ceux et toutes celles que je voyais à la télévision. Le théâtre est arrivé grâce à une prof. Tout arrive tellement grâce à des profs.

Une rencontre artistique décisive ?

Toutes les rencontres ont été décisives puisqu’elles m’ont permis de décider d’aller d’un côté ou plutôt du côté opposé. Encore aujourd’hui, il n’y a pas une rencontre artistique qui n’est pas déterminante, d’une manière ou d’une autre. 

Je ne serais pas arrivé là si… ?

Si j’étais né dans un pays pauvre et/ou en guerre et/ou fasciste… À part ça je ne vois pas ce qui aurait pu m’arrêter.

« Je ne suis qu’un vecteur pour faire entendre cette œuvre (Hedwig and the Angry Inch) qui parle de la quête d’identité... »

Quel a été le déclencheur de votre création ?

C’est Dominique Guillo, le metteur en scène. C’est lui qui m’a parlé d’Hedwig pendant des heures, pendant des semaines, et quand les artistes parlent avec passion, je ne me lasse jamais de les écouter.

Comment avez-vous travaillé avec l'équipe artistique ?

Les musiciens ont eu une première session de travail sans moi, puis j’ai eu ma première session de travail sans eux, en tête à tête avec Raphaël Sanchez, le directeur musical. Puis Anthéa Chauvière, comédienne et choriste, nous a rejoint. Puis Anthéa et moi avons travaillé avec Dominique et son assistant Grégory Juppin, et dans un dernier temps seulement, on a tous été réunis sur le plateau pendant quelques semaines. 

Comment s’est déroulé le travail au plateau ?

C’est un spectacle très particulier à travailler car il y a beaucoup de chansons, et il y a aussi beaucoup de temps sans chanson où je débite beaucoup de texte. C’est un monologue sans quatrième mur, sous la forme d’un concert de rock. Donc on alternait entre chansons et texte, car 8 heures de chansons rock je vous jure que ce n’est pas humain. Dominique nous guidait, nous poussait à donner de l’inattendu tout le temps, il est incroyable. Et je dois tout à la patience, à l’aide, au soutien, et au talent des 5 musiciens/choristes.

De quelle façon vous êtes-vous approprié le personnage / le texte ?

En laissant faire le temps. Je travaille beaucoup parce que je suis un laborieux. Je me fixe un objectif, je m’en sais capable, mais il me faut 3 fois plus de temps que les autres (mon bac de maths pareil, je trouve le bon résultat, mais je ne connais pas la formule, alors ça m’a pris 2 heures, là où d’autres avaient fini en 30 minutes). Deux ans de cours de chant non-stop, des heures et des heures et encore des heures d’écoute sur Spotify. Le texte, c’est Dominique et moi qui en signons l’adaptation, donc il s’est aussi imprégné sur la durée.  

Quelle place occupe la scénographie / musique / lumière… dans le spectacle ?

Dominique signe la scénographie puisque cet homme, en plus d’être un amour, a le talent très pénible de savoir absolument tout faire, et ce n’est pas une formule. Je peux juste vous dire qu’il y aura une scéno avignonnaise et une autre parisienne car les dimensions vont du simple au double. La musique est par définition au centre de tout ce show et les lumières avec puisqu’elles ont été créées par l’espèce de génie dément qu’est Jacques Rouveyrollis.

Comment cette pièce touche-t-elle à la fois et à l’intime et à l’universel ?

Il me semble que la fiction, de tout temps, c’est l’intime. Des personnages sont nés dans la tête d’un auteur et il nous donne à voir une partie de leur intimité. Ensuite, l’émotion naît de l’empathie ou de l’identification de chacun de nous. Et l’universel, ce serait le sujet… Ici, l’urgence de laisser, enfin et une bonne fois pour toutes, les individus libres d’être exactement qui ils décident d’être, et ça, ça ne peut pas être négociable. 

Qu’aimeriez-vous, peut-être, transmettre avec cette création ?

Les créateurs ont transmis, moi je ne suis qu’un vecteur pour faire entendre cette œuvre qui parle de la quête d’identité et de la recherche de l’autre (franchement, y a-t-il un but à l’existence plus important que de trouver l’autre ?).

« Je ne peux pas commencer ma journée sans lire l’horoscope de Rob Brezsny... »

Un acte de résistance ?

Je continue à rire en regardant les films de Woody Allen.

Un signe particulier ?

Je suis un homme amoureux.

Un message personnel ?

Oh oui oui oui, à tous les gens du métier, ceux qui décident, ceux qui disent oui ou non, ceux qui programment ou qui produisent, les filles, les gars, on pourrait se faire un pacte entre nous artistes et vous, juste pour voir ce que ça fait, on se dirait que le ghosting c’est devenu un peu ringard et que répondre aux messages c’est humainement plus marrant que le cache-cache incessant.

Un talent à suivre ?

Anthéa Chauvière, Lucie Wendremaire, Louis Buisset, Antonin Holub, quatre jeunes artistes vraiment mais vraiment incroyables avec qui je partage la scène. Suivez-les ou pas, vous entendrez parler d’eux.

Ce que vous n’aimeriez pas que l’on dise de vous ?

Que je suis un acteur à l’haleine problématique.

Une confidence ?

Je ne peux pas commencer ma journée du jeudi sans lire l’horoscope de Rob Brezsny dans le Courrier International.

Vos prochains projets ?

Je vais monter une pièce dingue de Michel Marc Bouchard qui s’appelle « Sous le regard des mouches ». Cet auteur québécois est génial parce que ce qu’il écrit, personne d’autre ne l’écrit. Ça paraît être le b.a-ba, mais croyez-moi, je lis beaucoup, ce n’est pas si courant.

Publié le
06
.
07
.
2023
Par Jérôme Réveillère

Deux ans qu'il se prépare à ce défi : incarner la chanteuse punk-rock Hedwig dans "Hedwig and the Angry Inch" de John Cameron Mitchell, mise en scène par Dominique Guillo, pour y raconter l'histoire d'un être en quête d'identité et qui décide de changer de sexe au moment où le Mur de Berlin est encore debout. À la veille de la première au Festival Off d'Avignon 2023, Brice Hillairet revient avec nous sur la création de cette comédie musicale et la préparation de son rôle.

Photo © Liza Miri

« Le théâtre est arrivé grâce à une prof... »

Qu'est-ce qui vous a fait aimer / choisir le théâtre ?

Le besoin impérieux d’être sur scène, de performer comme on dit aux Etats-Unis. J’utilise ce mot-là car au tout départ, c’est-à-dire l’enfance, je ne savais rien du théâtre, je ne savais rien de rien d’ailleurs. Mais l’attirance pour la scène était physique, peu importe ce que j’y faisais. J’enfilais une paire de lunettes de soleil qui appartenait à ma mère (tiens tiens) car ça faisait star, et je chantais, et j’imitais tous ceux et toutes celles que je voyais à la télévision. Le théâtre est arrivé grâce à une prof. Tout arrive tellement grâce à des profs.

Une rencontre artistique décisive ?

Toutes les rencontres ont été décisives puisqu’elles m’ont permis de décider d’aller d’un côté ou plutôt du côté opposé. Encore aujourd’hui, il n’y a pas une rencontre artistique qui n’est pas déterminante, d’une manière ou d’une autre. 

Je ne serais pas arrivé là si… ?

Si j’étais né dans un pays pauvre et/ou en guerre et/ou fasciste… À part ça je ne vois pas ce qui aurait pu m’arrêter.

« Je ne suis qu’un vecteur pour faire entendre cette œuvre (Hedwig and the Angry Inch) qui parle de la quête d’identité... »

Quel a été le déclencheur de votre création ?

C’est Dominique Guillo, le metteur en scène. C’est lui qui m’a parlé d’Hedwig pendant des heures, pendant des semaines, et quand les artistes parlent avec passion, je ne me lasse jamais de les écouter.

Comment avez-vous travaillé avec l'équipe artistique ?

Les musiciens ont eu une première session de travail sans moi, puis j’ai eu ma première session de travail sans eux, en tête à tête avec Raphaël Sanchez, le directeur musical. Puis Anthéa Chauvière, comédienne et choriste, nous a rejoint. Puis Anthéa et moi avons travaillé avec Dominique et son assistant Grégory Juppin, et dans un dernier temps seulement, on a tous été réunis sur le plateau pendant quelques semaines. 

Comment s’est déroulé le travail au plateau ?

C’est un spectacle très particulier à travailler car il y a beaucoup de chansons, et il y a aussi beaucoup de temps sans chanson où je débite beaucoup de texte. C’est un monologue sans quatrième mur, sous la forme d’un concert de rock. Donc on alternait entre chansons et texte, car 8 heures de chansons rock je vous jure que ce n’est pas humain. Dominique nous guidait, nous poussait à donner de l’inattendu tout le temps, il est incroyable. Et je dois tout à la patience, à l’aide, au soutien, et au talent des 5 musiciens/choristes.

De quelle façon vous êtes-vous approprié le personnage / le texte ?

En laissant faire le temps. Je travaille beaucoup parce que je suis un laborieux. Je me fixe un objectif, je m’en sais capable, mais il me faut 3 fois plus de temps que les autres (mon bac de maths pareil, je trouve le bon résultat, mais je ne connais pas la formule, alors ça m’a pris 2 heures, là où d’autres avaient fini en 30 minutes). Deux ans de cours de chant non-stop, des heures et des heures et encore des heures d’écoute sur Spotify. Le texte, c’est Dominique et moi qui en signons l’adaptation, donc il s’est aussi imprégné sur la durée.  

Quelle place occupe la scénographie / musique / lumière… dans le spectacle ?

Dominique signe la scénographie puisque cet homme, en plus d’être un amour, a le talent très pénible de savoir absolument tout faire, et ce n’est pas une formule. Je peux juste vous dire qu’il y aura une scéno avignonnaise et une autre parisienne car les dimensions vont du simple au double. La musique est par définition au centre de tout ce show et les lumières avec puisqu’elles ont été créées par l’espèce de génie dément qu’est Jacques Rouveyrollis.

Comment cette pièce touche-t-elle à la fois et à l’intime et à l’universel ?

Il me semble que la fiction, de tout temps, c’est l’intime. Des personnages sont nés dans la tête d’un auteur et il nous donne à voir une partie de leur intimité. Ensuite, l’émotion naît de l’empathie ou de l’identification de chacun de nous. Et l’universel, ce serait le sujet… Ici, l’urgence de laisser, enfin et une bonne fois pour toutes, les individus libres d’être exactement qui ils décident d’être, et ça, ça ne peut pas être négociable. 

Qu’aimeriez-vous, peut-être, transmettre avec cette création ?

Les créateurs ont transmis, moi je ne suis qu’un vecteur pour faire entendre cette œuvre qui parle de la quête d’identité et de la recherche de l’autre (franchement, y a-t-il un but à l’existence plus important que de trouver l’autre ?).

« Je ne peux pas commencer ma journée sans lire l’horoscope de Rob Brezsny... »

Un acte de résistance ?

Je continue à rire en regardant les films de Woody Allen.

Un signe particulier ?

Je suis un homme amoureux.

Un message personnel ?

Oh oui oui oui, à tous les gens du métier, ceux qui décident, ceux qui disent oui ou non, ceux qui programment ou qui produisent, les filles, les gars, on pourrait se faire un pacte entre nous artistes et vous, juste pour voir ce que ça fait, on se dirait que le ghosting c’est devenu un peu ringard et que répondre aux messages c’est humainement plus marrant que le cache-cache incessant.

Un talent à suivre ?

Anthéa Chauvière, Lucie Wendremaire, Louis Buisset, Antonin Holub, quatre jeunes artistes vraiment mais vraiment incroyables avec qui je partage la scène. Suivez-les ou pas, vous entendrez parler d’eux.

Ce que vous n’aimeriez pas que l’on dise de vous ?

Que je suis un acteur à l’haleine problématique.

Une confidence ?

Je ne peux pas commencer ma journée du jeudi sans lire l’horoscope de Rob Brezsny dans le Courrier International.

Vos prochains projets ?

Je vais monter une pièce dingue de Michel Marc Bouchard qui s’appelle « Sous le regard des mouches ». Cet auteur québécois est génial parce que ce qu’il écrit, personne d’autre ne l’écrit. Ça paraît être le b.a-ba, mais croyez-moi, je lis beaucoup, ce n’est pas si courant.