Johanna Boyé

« Dans cet espace j'assistais fascinée à la revanche des timides, des discrets... »

Depuis quelques années, Johanna Boyé s’installe comme une artiste talentueuse et incontournable dans sa capacité à mettre en scène des figures féminines qui ont marqué leur époque. 2020 fut l’année de la consécration avec le Molière du spectacle musical pour Est-ce que j'ai une gueule d’Arletty d’Éric Bu et Élodie Menant. Pour nous, elle revient sur son parcours, son travail et sa prochaine collaboration avec Élodie Menant sur le spectacle Je ne cours pas, je vole !.

« C'est mon père qui m'a emmenée au théâtre, enfant, puis adolescente... »

En quoi le théâtre est-il essentiel aujourd’hui ?

Le théâtre est essentiel car il permet aux êtres humains de se rassembler, de voir, à travers les textes et histoires qui lui sont contés, le miroir de la société qu'il bâtit. Le théâtre permet de questionner, de revendiquer, de rire, de s'émouvoir, de rêver, de réfléchir, de grandir, de s'instruire. Tout ce qui fait de nous des êtres humains au sens philosophique du terme. Il permet de célébrer la dimension sacrée de l'être humain, sa part de génie, sa part de rêve et de magie.

Comment voyez-vous le théâtre demain ?

Je ne le vois pas vraiment changer. De tous temps les hommes ont aimé se retrouver pour qu'on leur raconte des histoires. Je me dis que la crise va peut-être lui donner une nouvelle dynamique, ramener les spectateurs dans ce désir de communion après tant de privation. J'imagine qu'il sera festif, porté par un nouveau souffle, une vitalité, une énergie débridée.

Qu'est-ce qui vous a fait aimer, choisir le théâtre ?

C'est mon père qui m'a emmenée au théâtre, enfant, puis adolescente. J'ai aimé ces moments partagés avec lui. Et j'aimais voir cette magie se déployer sous mes yeux, les lumières, les acteurs, les décors. J’étais fascinée par tout et par le ballet qui se déployait sous mes yeux. Une fois que la lumière se baissait, que le rideau se levait je me sentais chez moi, et dans une déconnexion au monde qui me permettait d'accéder à mon imaginaire.

J'ai choisi le théâtre, car au lycée, mon père (toujours lui), m'a inscrite dans une école de théâtre pour "vaincre ma timidité maladive". Ce cours a été une révolution ! J'y ai découvert que je pouvais être quelqu'un d'autre, y vivre mille vies, créer des images à l'infini, faire rire ! Cet espace d'expression qui soudain s'ouvrait à moi m'offrait une multitude de possibles ! Dans cet espace j'assistais fascinée à la revanche des timides, des discrets, des bizarres ! Le rapport au monde s'inversait : les cancres devenaient des rois majestueux et fascinants !

Votre définition de la culture ?

La sociologie m'a appris qu'il y en avait plus d'une centaine selon le point de vue et je trouve difficile de vouloir en avoir une, qui aurait la prétention d'être meilleure que les autres.

Vos batailles pour la culture ?

Plus de reconnaissance et de visibilité pour les femmes artistes.

Une rencontre artistique décisive ?

C'est un peu bateau mais Le Tartuffe d'Ariane Mnouchkine quand j'avais 12 ans : une claque, j'aurais voulu que jamais ça ne s'arrête. Le Hamlet de Peter Brook (avec les acteurs de la Royal Shakespeare Company), quand j'avais 16 ans : l'impression que le théâtre pouvait insuffler la même énergie qu'un concert de rock. Médée de Patrice Chéreau : suspens et tension alors que je connaissais déjà toute l'histoire. Le maître et Marguerite de Simon McBurney : une épopée magistralement actuelle.

Un personnage fétiche ?

Le machiavélique et démoniaque Iago. L'irrévérencieuse Môme Crevette. La part d'ombre de Marito dans Le cas de la famille Coleman.

Présentation "Je ne cours pas, je vole !" © Atelier Théâtre Actuel
Présentation "Je ne cours pas, je vole !" © Atelier Théâtre Actuel

« Ving-trois personnages pour seulement six comédiens, c'est un sacré défi... »

Quel a été le déclencheur de Je ne cours pas, je vole ! la pièce d’Élodie Menant que vous mettez en scène ?

C'est Élodie qui m'a envoyé sa pièce. J'ai été immédiatement happée par cette histoire, et l'écriture fragmentée, originale, la force du récit. Tout me parlait.

Selon vous, est-ce un spectacle sur la compétition ? ou vivre sa passion, quelle qu’elle soit, au sein de la famille ?

C'est un spectacle sur l'investissement, sur tout ce qu'il faut mettre en œuvre pour dépasser et réaliser ses rêves, sur la dimension de se sacrifier pour l'autre, sur les loyautés familiales.

Est-ce un spectacle sur la résilience ?

Oui en quelque sorte. C’est un spectacle sur la façon dont il est nécessaire, vital de pouvoir rebondir dans la vie, sur le fait que nous devons affronter des épreuves, et que le chemin n'est pas toujours une belle ligne droite bien tracée, mais plus souvent parsemé de détours et d'obstacles. Et c'est, cette sinuosité, ces changements de parcours, ces questionnements qui font de nous ce que nous sommes.

J'aime porter sur scène des figures et portraits de personnages forts [...] dont les destins vont rencontrer une thématique sociétale forte...

En quoi l’histoire touche à la fois à l’intime et à l’universel ?

À travers l'histoire de Julie Linard, et ce qu'elle traverse, nous sommes renvoyés à nos propres obstacles, nos propres épreuves, nos propres blessures. Ses démons interpellent notre part d'ombres et nos questionnements existentiels. Ses sacrifices nous rappellent ce que nous avons mis de côté, nous aussi, ce que nous avons parfois oublié, pour réaliser nos rêves.

Ce que traverse Julie sont les épreuves métaphoriques que traversent tous les personnages héroïques : la quête, les obstacles, l'errance, les synchronicités qui mènent finalement au Graal et donc à la réalisation de soi. Et nous sommes tous les héros de nos propres vies !

Est-ce que vous aimez avant tout porter sur scène des destins ?

Je me rends compte au fil du temps que j'aime porter sur scène des figures et portraits de personnages forts, réels ou fictifs, peu importe, dont les destins vont rencontrer une thématique sociétale forte : le mensonge, la libération, la folie, l'ambivalence….

Dans quelles directions dirigez-vous les comédiens ? Il y a 23 personnages pour 6 comédiens. Est-ce un défi pour vous ?

Je travaille beaucoup sur la dimension corporelle avec les acteurs et aussi à ne pas s'arrêter à l'évidence du texte. Nous cherchons ensemble ce qui est caché, ce qui est à dévoiler. Nous travaillons ensemble à représenter les secrets, l'invisible, les non-dits qui sommeillent dans les personnages et leurs répliques.

Et oui !  23 personnages pour seulement 6 comédiens, c'est un sacré défi ! Définir une voix, une façon de marcher, de bouger de parler sont les clefs pour inventer de multiples personnages et surtout pour les différencier les uns des autres. Après, il est important de trouver des acteurs qui aiment ce jeu de la transformation. Le costume ensuite, va nous permettre de finaliser ce travail.

Je prépare énormément mes mises en scène. Je lis et relis beaucoup la pièce. Je travaille sur des coupes, je demande des modifications de texte aux auteurs...

Est-ce qu’il y a une continuité dans vos choix de projets ? Travaillez-vous toujours avec la même équipe de comédiens et comédiennes, d’auteurs, de créateurs ?

Il n'y a pas vraiment de continuité à proprement parler. Je fonctionne au coup de cœur. Et j'ai souvent envie de changement.

La continuité est dans la vision que je développe. Je travaille quasiment toujours avec les mêmes collaborateurs artistiques : scénographe, costumière, compositeur, éclairagiste, chorégraphe. Je construis avec eux mon langage artistique et visuel.

Pour les acteurs, j'aime les nouvelles rencontres, faire des auditions pour voir comment le personnage rencontre l'acteur et comment il apparaît d'un coup en lui. J'aime tisser de nouvelles collaborations à chaque projet et j'adore aussi retrouver des acteurs que j'aime, quand c'est juste et le bon endroit. 

Comment abordez-vous le temps d'écriture, de conception de la mise en scène et le travail au plateau ? Quelle place occupe la musique et la chorégraphie dans vos spectacles ?

Je prépare énormément mes mises en scène. Je lis et relis beaucoup la pièce.

Je travaille sur des coupes, je demande des modifications de texte aux auteurs, je définis la répartition des rôles. Je construis et cherche ce que je veux raconter et dire à travers une œuvre.

Je travaille aussi avec mes collaborateurs en amont de façon à tout définir au niveau visuel et au niveau de l'expression de ma vision.

Puis je travaille environ deux ou trois semaines, seule, avec la maquette de la scénographie. Là j'imagine tous les tableaux, j'affine les déplacements, les idées, les images que je veux créer. Ensuite, j'arrive aux répétitions avec tout ce bagage. Évidemment avec les acteurs et le travail concret du plateau tout est bouleversé et remis en question !

La musique est essentielle dans mon travail, je pense que c'est dû au fait que j'ai une formation musicale importante. Le rythme du texte, les inclinaisons des intentions construisent une musicalité rythmique forte pour moi. Mon créateur sonore Mehdi Bourayou, assiste de façon assidue aux répétitions et crée à partir du plateau et de ce que nous lui proposons.

Quels sont vos prochains projets ?

Mon prochain projet est L'invention de nos vies de Karine Tuil, que j'ai adapté avec Leslie Menahem. Un spectacle qui me tient à cœur et sur lequel je travaille depuis 5 ans.

En 2014, j’ai découvert ce roman, finaliste du prix Goncourt, je l’ai lu d’une traite sans pouvoir m’en arracher et c’est cette sensation que je souhaite faire vivre aux spectateurs. J’ai été happée par la puissance de l’intrigue et ses divers rebondissements. Cette histoire de Tartuffe des temps modernes n’a ensuite cessé de me hanter. L’adaptation au théâtre s’est donc imposée à moi. Construite comme une série, cette pièce nous plonge dans une épopée contemporaine, presque shakespearienne, au rythme vertigineux. Elle pose des questions essentielles : Le mensonge est-il une arme juste pour réussir ? Et d’ailleurs qu’est-ce que réussir sa vie ? Ou encore, peut-on renier sa famille, sa culture, son identité sans se perdre soi-même ?

« Manu, Roselyne, ouvrez les théâtres... »

Une confidence ?

J'aime les comédies romantiques.

Un acte de résistance ?

J'ai un agenda papier et j'ai arrêté de prendre l'avion.

Un signe particulier ?

Taureau ascendant balance.

Un message personnel ?

Manu, Roselyne, ouvrez les théâtres ! Maintenant !

Un talent à suivre ?

L'autrice et metteuse en scène Alice Zeniter.

Ce que vous n’aimeriez pas que l’on dise de vous ?

Que je suis transparente !

« Avec... »

...Ma Vie sans moi d’Isabel Coixet, j’ai eu envie de profiter de chaque instant de la vie.

...Rien ne s'oppose à la nuit de Delphine de Vigan, j’ai compris le poids du silence.

...La Maladroite d’Alexandre Seurat, j’ai appris l'importance de témoigner.

...L'Invention de nos vies de Karine Tuil, j’ai décidé d'écrire.

...La Traviata de Verdi, j’ai rencontré la grâce.

...Persepolis de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud, j'ai cru à l’existence des fantômes.

...L'Arbre de Julie Bertuccelli, j’ai goûté à la beauté de la nature.

« Mon message au public... »

Hâte de vous retrouver !

Publié le
30
.
03
.
2021
Par Jérôme Réveillère

Depuis quelques années, Johanna Boyé s’installe comme une artiste talentueuse et incontournable dans sa capacité à mettre en scène des figures féminines qui ont marqué leur époque. 2020 fut l’année de la consécration avec le Molière du spectacle musical pour Est-ce que j'ai une gueule d’Arletty d’Éric Bu et Élodie Menant. Pour nous, elle revient sur son parcours, son travail et sa prochaine collaboration avec Élodie Menant sur le spectacle Je ne cours pas, je vole !.

Photo © Nathalie Mazéas

« C'est mon père qui m'a emmenée au théâtre, enfant, puis adolescente... »

En quoi le théâtre est-il essentiel aujourd’hui ?

Le théâtre est essentiel car il permet aux êtres humains de se rassembler, de voir, à travers les textes et histoires qui lui sont contés, le miroir de la société qu'il bâtit. Le théâtre permet de questionner, de revendiquer, de rire, de s'émouvoir, de rêver, de réfléchir, de grandir, de s'instruire. Tout ce qui fait de nous des êtres humains au sens philosophique du terme. Il permet de célébrer la dimension sacrée de l'être humain, sa part de génie, sa part de rêve et de magie.

Comment voyez-vous le théâtre demain ?

Je ne le vois pas vraiment changer. De tous temps les hommes ont aimé se retrouver pour qu'on leur raconte des histoires. Je me dis que la crise va peut-être lui donner une nouvelle dynamique, ramener les spectateurs dans ce désir de communion après tant de privation. J'imagine qu'il sera festif, porté par un nouveau souffle, une vitalité, une énergie débridée.

Qu'est-ce qui vous a fait aimer, choisir le théâtre ?

C'est mon père qui m'a emmenée au théâtre, enfant, puis adolescente. J'ai aimé ces moments partagés avec lui. Et j'aimais voir cette magie se déployer sous mes yeux, les lumières, les acteurs, les décors. J’étais fascinée par tout et par le ballet qui se déployait sous mes yeux. Une fois que la lumière se baissait, que le rideau se levait je me sentais chez moi, et dans une déconnexion au monde qui me permettait d'accéder à mon imaginaire.

J'ai choisi le théâtre, car au lycée, mon père (toujours lui), m'a inscrite dans une école de théâtre pour "vaincre ma timidité maladive". Ce cours a été une révolution ! J'y ai découvert que je pouvais être quelqu'un d'autre, y vivre mille vies, créer des images à l'infini, faire rire ! Cet espace d'expression qui soudain s'ouvrait à moi m'offrait une multitude de possibles ! Dans cet espace j'assistais fascinée à la revanche des timides, des discrets, des bizarres ! Le rapport au monde s'inversait : les cancres devenaient des rois majestueux et fascinants !

Votre définition de la culture ?

La sociologie m'a appris qu'il y en avait plus d'une centaine selon le point de vue et je trouve difficile de vouloir en avoir une, qui aurait la prétention d'être meilleure que les autres.

Vos batailles pour la culture ?

Plus de reconnaissance et de visibilité pour les femmes artistes.

Une rencontre artistique décisive ?

C'est un peu bateau mais Le Tartuffe d'Ariane Mnouchkine quand j'avais 12 ans : une claque, j'aurais voulu que jamais ça ne s'arrête. Le Hamlet de Peter Brook (avec les acteurs de la Royal Shakespeare Company), quand j'avais 16 ans : l'impression que le théâtre pouvait insuffler la même énergie qu'un concert de rock. Médée de Patrice Chéreau : suspens et tension alors que je connaissais déjà toute l'histoire. Le maître et Marguerite de Simon McBurney : une épopée magistralement actuelle.

Un personnage fétiche ?

Le machiavélique et démoniaque Iago. L'irrévérencieuse Môme Crevette. La part d'ombre de Marito dans Le cas de la famille Coleman.

Présentation "Je ne cours pas, je vole !" © Atelier Théâtre Actuel
Présentation "Je ne cours pas, je vole !" © Atelier Théâtre Actuel

« Ving-trois personnages pour seulement six comédiens, c'est un sacré défi... »

Quel a été le déclencheur de Je ne cours pas, je vole ! la pièce d’Élodie Menant que vous mettez en scène ?

C'est Élodie qui m'a envoyé sa pièce. J'ai été immédiatement happée par cette histoire, et l'écriture fragmentée, originale, la force du récit. Tout me parlait.

Selon vous, est-ce un spectacle sur la compétition ? ou vivre sa passion, quelle qu’elle soit, au sein de la famille ?

C'est un spectacle sur l'investissement, sur tout ce qu'il faut mettre en œuvre pour dépasser et réaliser ses rêves, sur la dimension de se sacrifier pour l'autre, sur les loyautés familiales.

Est-ce un spectacle sur la résilience ?

Oui en quelque sorte. C’est un spectacle sur la façon dont il est nécessaire, vital de pouvoir rebondir dans la vie, sur le fait que nous devons affronter des épreuves, et que le chemin n'est pas toujours une belle ligne droite bien tracée, mais plus souvent parsemé de détours et d'obstacles. Et c'est, cette sinuosité, ces changements de parcours, ces questionnements qui font de nous ce que nous sommes.

J'aime porter sur scène des figures et portraits de personnages forts [...] dont les destins vont rencontrer une thématique sociétale forte...

En quoi l’histoire touche à la fois à l’intime et à l’universel ?

À travers l'histoire de Julie Linard, et ce qu'elle traverse, nous sommes renvoyés à nos propres obstacles, nos propres épreuves, nos propres blessures. Ses démons interpellent notre part d'ombres et nos questionnements existentiels. Ses sacrifices nous rappellent ce que nous avons mis de côté, nous aussi, ce que nous avons parfois oublié, pour réaliser nos rêves.

Ce que traverse Julie sont les épreuves métaphoriques que traversent tous les personnages héroïques : la quête, les obstacles, l'errance, les synchronicités qui mènent finalement au Graal et donc à la réalisation de soi. Et nous sommes tous les héros de nos propres vies !

Est-ce que vous aimez avant tout porter sur scène des destins ?

Je me rends compte au fil du temps que j'aime porter sur scène des figures et portraits de personnages forts, réels ou fictifs, peu importe, dont les destins vont rencontrer une thématique sociétale forte : le mensonge, la libération, la folie, l'ambivalence….

Dans quelles directions dirigez-vous les comédiens ? Il y a 23 personnages pour 6 comédiens. Est-ce un défi pour vous ?

Je travaille beaucoup sur la dimension corporelle avec les acteurs et aussi à ne pas s'arrêter à l'évidence du texte. Nous cherchons ensemble ce qui est caché, ce qui est à dévoiler. Nous travaillons ensemble à représenter les secrets, l'invisible, les non-dits qui sommeillent dans les personnages et leurs répliques.

Et oui !  23 personnages pour seulement 6 comédiens, c'est un sacré défi ! Définir une voix, une façon de marcher, de bouger de parler sont les clefs pour inventer de multiples personnages et surtout pour les différencier les uns des autres. Après, il est important de trouver des acteurs qui aiment ce jeu de la transformation. Le costume ensuite, va nous permettre de finaliser ce travail.

Je prépare énormément mes mises en scène. Je lis et relis beaucoup la pièce. Je travaille sur des coupes, je demande des modifications de texte aux auteurs...

Est-ce qu’il y a une continuité dans vos choix de projets ? Travaillez-vous toujours avec la même équipe de comédiens et comédiennes, d’auteurs, de créateurs ?

Il n'y a pas vraiment de continuité à proprement parler. Je fonctionne au coup de cœur. Et j'ai souvent envie de changement.

La continuité est dans la vision que je développe. Je travaille quasiment toujours avec les mêmes collaborateurs artistiques : scénographe, costumière, compositeur, éclairagiste, chorégraphe. Je construis avec eux mon langage artistique et visuel.

Pour les acteurs, j'aime les nouvelles rencontres, faire des auditions pour voir comment le personnage rencontre l'acteur et comment il apparaît d'un coup en lui. J'aime tisser de nouvelles collaborations à chaque projet et j'adore aussi retrouver des acteurs que j'aime, quand c'est juste et le bon endroit. 

Comment abordez-vous le temps d'écriture, de conception de la mise en scène et le travail au plateau ? Quelle place occupe la musique et la chorégraphie dans vos spectacles ?

Je prépare énormément mes mises en scène. Je lis et relis beaucoup la pièce.

Je travaille sur des coupes, je demande des modifications de texte aux auteurs, je définis la répartition des rôles. Je construis et cherche ce que je veux raconter et dire à travers une œuvre.

Je travaille aussi avec mes collaborateurs en amont de façon à tout définir au niveau visuel et au niveau de l'expression de ma vision.

Puis je travaille environ deux ou trois semaines, seule, avec la maquette de la scénographie. Là j'imagine tous les tableaux, j'affine les déplacements, les idées, les images que je veux créer. Ensuite, j'arrive aux répétitions avec tout ce bagage. Évidemment avec les acteurs et le travail concret du plateau tout est bouleversé et remis en question !

La musique est essentielle dans mon travail, je pense que c'est dû au fait que j'ai une formation musicale importante. Le rythme du texte, les inclinaisons des intentions construisent une musicalité rythmique forte pour moi. Mon créateur sonore Mehdi Bourayou, assiste de façon assidue aux répétitions et crée à partir du plateau et de ce que nous lui proposons.

Quels sont vos prochains projets ?

Mon prochain projet est L'invention de nos vies de Karine Tuil, que j'ai adapté avec Leslie Menahem. Un spectacle qui me tient à cœur et sur lequel je travaille depuis 5 ans.

En 2014, j’ai découvert ce roman, finaliste du prix Goncourt, je l’ai lu d’une traite sans pouvoir m’en arracher et c’est cette sensation que je souhaite faire vivre aux spectateurs. J’ai été happée par la puissance de l’intrigue et ses divers rebondissements. Cette histoire de Tartuffe des temps modernes n’a ensuite cessé de me hanter. L’adaptation au théâtre s’est donc imposée à moi. Construite comme une série, cette pièce nous plonge dans une épopée contemporaine, presque shakespearienne, au rythme vertigineux. Elle pose des questions essentielles : Le mensonge est-il une arme juste pour réussir ? Et d’ailleurs qu’est-ce que réussir sa vie ? Ou encore, peut-on renier sa famille, sa culture, son identité sans se perdre soi-même ?

« Manu, Roselyne, ouvrez les théâtres... »

Une confidence ?

J'aime les comédies romantiques.

Un acte de résistance ?

J'ai un agenda papier et j'ai arrêté de prendre l'avion.

Un signe particulier ?

Taureau ascendant balance.

Un message personnel ?

Manu, Roselyne, ouvrez les théâtres ! Maintenant !

Un talent à suivre ?

L'autrice et metteuse en scène Alice Zeniter.

Ce que vous n’aimeriez pas que l’on dise de vous ?

Que je suis transparente !

« Avec... »

...Ma Vie sans moi d’Isabel Coixet, j’ai eu envie de profiter de chaque instant de la vie.

...Rien ne s'oppose à la nuit de Delphine de Vigan, j’ai compris le poids du silence.

...La Maladroite d’Alexandre Seurat, j’ai appris l'importance de témoigner.

...L'Invention de nos vies de Karine Tuil, j’ai décidé d'écrire.

...La Traviata de Verdi, j’ai rencontré la grâce.

...Persepolis de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud, j'ai cru à l’existence des fantômes.

...L'Arbre de Julie Bertuccelli, j’ai goûté à la beauté de la nature.

« Mon message au public... »

Hâte de vous retrouver !