Étienne Launay

« J’ai tout de suite été séduit par l’histoire incroyable du Marquis de Montespan »

Avec « Le Montespan » de Jean Teulé actuellement au Théâtre de la Huchette, le comédien Étienne Launay signe sa deuxième mise en scène en nous contant l'histoire hors du commun du plus grand cocu de France, celle du Marquis de Montespan. Il revient sur cette histoire vraie et sa mise en scène, s'appuyant sur la tradition du théâtre de tréteaux, et dans laquelle on retrouve les merveilleux comédiens Michael Hirsch, Simon Larvaron et Salomé Villiers.

« Un temps pour s’émouvoir... »

Qu'est-ce qui vous a fait aimer / choisir le théâtre ?

Le théâtre est pour moi l’art du vivant et de l’instant. C’est un moment sacré où tout le monde respire ensemble et où l’histoire se raconte. Un temps pour s’émouvoir, pour rire, pour partager. C’est aussi l’occasion d’explorer la conscience, et détricoter les rapports humains.

Une rencontre artistique décisive ?

Sûrement ma rencontre avec Salomé Villiers dans Le jeu de l’amour et du hasard où je jouais Arlequin. J’ai appris beaucoup sur moi-même et sur le métier.

Quel est votre personnage fétiche ?

Il y en a beaucoup ! Mais je dirais Arlequin qui m’a porté durant quelques années.

Salomé Villiers, Simon Larvaron et Michaël Hirsch dans "Le Montespan" - Photo © Cédric Vasnier
Salomé Villiers, Simon Larvaron et Michaël Hirsch dans "Le Montespan" - Photo © Cédric Vasnier

« J’ai tout de suite été séduit par l’histoire incroyable du Marquis de Montespan... »

Qu’est-ce qui a déclenché ce projet ?

Franck Desmedt, directeur du théâtre de la Huchette, a proposé à Salomé Villiers une carte blanche. Elle a découvert ce roman historique de Jean Teulé, Le Montespan, et m’a proposé de mettre en scène son adaptation. J’ai tout de suite été séduit par l’idée. 

Est-ce un défi pour vous de mettre en scène cette épopée sur le plateau du Théâtre de La Huchette ?

Le défi est de taille et passionnant ! De 1663 à 1707, 44 ans, 26 personnages, 21 lieux. La petite histoire dans la grande ! Bien sûr, un véritable défi ! Le théâtre de la Huchette est un lieu unique et mythique. C’est dans la pure tradition des tréteaux que j’ai souhaité mettre en scène cette épopée fantastique : un théâtre dans le théâtre, pour rendre en quelque sorte honneur au théâtre de marionnettes de notre enfance. Comme Molière à son époque, j’ai imaginé une troupe de comédiens allant de place en place, dépliant son décor, allumant les bougies, et racontant la folle histoire du Marquis de Montespan.

Qu’est-ce qui vous a séduit dans cette histoire du plus célèbre cocu de France ?

J’ai tout de suite été séduit par l’histoire incroyable de cet homme ! Tout le monde connaît, ou a déjà entendu parler de la marquise de Montespan, favorite du roi Louis XIV, qui exerça à la cour de France un trafic d’influence sans pareille. Mais qui connaît l’histoire de son époux, Louis-Henri de Pardaillan de Gondrin, Marquis de Montespan ? Un homme à contre-courant qui se marie par amour, chose rarissime à l’époque, avec la séduisante Françoise de Rochechouart de Mortemart, future Athénaïs marquise de Montespan. Un hobereau qui se voit privé de son épouse par le Roi. Un mari cocufié dont Molière s’inspirera dans sa célèbre pièce Amphitryon. Un « cocu magnifique » qui mènera une véritable guerre contre l’un des monarques les plus puissants, et dont on se délecte des multiples frasques et stratagèmes. C’est ce qui m’a séduit dans cette histoire que nous livre Jean Teulé. Une peinture originale parfois pittoresque et assez noire du Grand Siècle, une époque qui pourtant a fait la gloire de la France.

Dans cette pièce, vous donnez à Monsieur de Montespan le rôle principal alors que l’histoire le met au second plan, est-il à sa façon un anti-héros ?

Totalement ! Un homme décrié à son époque mais dont Jean Teulé fait un anti-héros romantique fascinant. Un homme vraiment étonnant qui mérite à son tour d’être dans la lumière et d’avoir son nom inscrit dans la Grande Histoire.

Considérez-vous cette pièce comme un marivaudage, où la comédie et la tragédie ne sont jamais loin ? Ou s’agit-il d’une restitution historique fidèle ?

Pour moi ce n’est ni un marivaudage, ni une restitution historique fidèle mais plutôt un conte poétique où l’on peut rire et s’émouvoir.

Comment avez-vous constitué votre équipe artistique et conçu votre scénographie ?

J’ai choisi trois comédiens pour raconter cette histoire et renforcer la magie du conte. Simon Larvaron interprète le Marquis de Montespan, nous avions déjà travaillé ensemble sur ma première mise en scène. Salomé Villiers interprète la Marquise de Montespan, ainsi que les autres rôles féminins. Michaël Hirsch interprète 20 personnages tout au long de la pièce, nous nous sommes rencontrés au Lucernaire et j’aime beaucoup son travail.

Pour le décor, j’ai fait appel à Emmanuel Charles dont j’ai découvert le magnifique travail la première fois dans Tartuffe mis en scène par Michel Fau, au Théâtre de la Porte Saint-Martin. Le décor se compose d’un tulle imprimé en fond de scène, de panneaux de bois peints amovibles (un lustre, des cornes, une enseigne), et de projections. Autant d’évocations que d’objets réalistes qui soulignent la poésie du conte et nous projettent dans les différents lieux de l’époque.

Dans quelle(s) direction(s) avez-vous dirigé les comédiens ?

Ma direction d’acteur s’est beaucoup axée sur le travail du conteur. Comment raconter cette folle histoire, comment susciter l’imaginaire du spectateur ? Il faut à la fois vivre les situations tout en laissant une légère distance car le spectacle est très séquencé et se déroule sur 44 ans. L’acteur devient conteur et redevient personnage dans un rythme vif accompagnant le spectateur au fil de l’action.

Comment s’est organisé/déroulé le travail au plateau ?

Comme je savais que le théâtre de la Huchette était un petit plateau, j’ai souhaité d’abord travailler les placements en déroulant toute la pièce. Les acteurs pouvaient laisser libre cours à leurs fantaisies et à leurs envies. J’ai ensuite travaillé les intentions sans me soucier trop des déplacements, puis nous avons conjugué le tout ! Le placement avant les intentions, puis les intentions sans les mouvements, puis les deux !

Vous travaillez avec la même famille d’acteurs, de producteurs, de créateurs, est-ce que la notion de troupe est pour vous fondamentale ?

Ça dépend, je pense qu’il est important de travailler avec des partenaires que l’on connaît et qui vous connaissent mais je suis aussi pour découvrir de nouvelles personnes. Dans Le Montespan qui est ma deuxième mise en scène je dirais que c’est ce que j’ai fait ! Je connaissais la moitié de mon équipe et l’autre moitié a été une découverte. La notion de troupe est fondamentale pour moi, le comédien doit se sentir en confiance dans un environnement familial où il peut parler librement de tout.

« Il faut cultiver la part de l’enfant que l’on a en chacun de nous... »

Une confidence ?

J’étais très stressé à l’idée que l’auteur Jean Teulé vienne découvrir Le Montespan car j’ai une grande admiration pour son travail. C’est toujours un défi quand l’auteur est là ! Quel soulagement d’avoir eu ces retours enthousiastes à la première représentation.

Un acte de résistance ?

Eh bien je dirais de continuer la création malgré une conjoncture très difficile, de s’accrocher et de raconter toujours des histoires.

Un signe particulier ?

J’adore les ombres portées, j’avais déjà utilisé cet effet dans ma première mise en scène. Je trouve que le jeu d’ombre développe l’imaginaire du spectateur, et cela ramène à l’enfance. Je crois qu’il faut cultiver la part de l’enfant que l’on a en chacun de nous !

Un message personnel ?

Je voudrais remercier mes créateurs, Denis Koransky à la lumière, Xavier Ferri à la création sonore, Virginie H aux costumes, et Emmanuel Charles au décor. La création est un travail d’équipe et je leur dois beaucoup. Alors merci à eux pour leur engagement, leur soutien, et leur magnifique travail de création.

Un talent à suivre ?

​​Il y en a trois : Salomé Villiers, une comédienne et metteure en scène fascinante ; Simon Larvaron, un comédien charismatique et d’une grande tendresse ; Michaël Hirsch, un comédien aux multiples facettes et à la fantaisie débordante.

Ce que vous n’aimeriez pas que l’on dise de vous ?

Qu’il faut arrêter la mise en scène ! Ce serait dur…

Vos prochains projets ?

Pour le moment, je n’ai pas d’autres projets de mise en scène mais j’y réfléchis car j’aime ça ! En tant que comédien, j’ai la chance de jouer en ce moment en tournée Les Voyageurs du Crime, une comédie policière. Je serais au festival d’Avignon dans La Grande Musique, une pièce de Stéphane Guérin, un auteur que j’affectionne particulièrement. Je suis également en préparation d’un spectacle intitulé La Vie Moderne de Stéphane Guérin, racontant la vie de la première peintre impressionniste Berthe Morisot...

Publié le
16
.
02
.
2022
Par Jérôme Réveillère

Avec « Le Montespan » de Jean Teulé actuellement au Théâtre de la Huchette, le comédien Étienne Launay signe sa deuxième mise en scène en nous contant l'histoire hors du commun du plus grand cocu de France, celle du Marquis de Montespan. Il revient sur cette histoire vraie et sa mise en scène, s'appuyant sur la tradition du théâtre de tréteaux, et dans laquelle on retrouve les merveilleux comédiens Michael Hirsch, Simon Larvaron et Salomé Villiers.

Photo © Simon Larvaron

« Un temps pour s’émouvoir... »

Qu'est-ce qui vous a fait aimer / choisir le théâtre ?

Le théâtre est pour moi l’art du vivant et de l’instant. C’est un moment sacré où tout le monde respire ensemble et où l’histoire se raconte. Un temps pour s’émouvoir, pour rire, pour partager. C’est aussi l’occasion d’explorer la conscience, et détricoter les rapports humains.

Une rencontre artistique décisive ?

Sûrement ma rencontre avec Salomé Villiers dans Le jeu de l’amour et du hasard où je jouais Arlequin. J’ai appris beaucoup sur moi-même et sur le métier.

Quel est votre personnage fétiche ?

Il y en a beaucoup ! Mais je dirais Arlequin qui m’a porté durant quelques années.

Salomé Villiers, Simon Larvaron et Michaël Hirsch dans "Le Montespan" - Photo © Cédric Vasnier
Salomé Villiers, Simon Larvaron et Michaël Hirsch dans "Le Montespan" - Photo © Cédric Vasnier

« J’ai tout de suite été séduit par l’histoire incroyable du Marquis de Montespan... »

Qu’est-ce qui a déclenché ce projet ?

Franck Desmedt, directeur du théâtre de la Huchette, a proposé à Salomé Villiers une carte blanche. Elle a découvert ce roman historique de Jean Teulé, Le Montespan, et m’a proposé de mettre en scène son adaptation. J’ai tout de suite été séduit par l’idée. 

Est-ce un défi pour vous de mettre en scène cette épopée sur le plateau du Théâtre de La Huchette ?

Le défi est de taille et passionnant ! De 1663 à 1707, 44 ans, 26 personnages, 21 lieux. La petite histoire dans la grande ! Bien sûr, un véritable défi ! Le théâtre de la Huchette est un lieu unique et mythique. C’est dans la pure tradition des tréteaux que j’ai souhaité mettre en scène cette épopée fantastique : un théâtre dans le théâtre, pour rendre en quelque sorte honneur au théâtre de marionnettes de notre enfance. Comme Molière à son époque, j’ai imaginé une troupe de comédiens allant de place en place, dépliant son décor, allumant les bougies, et racontant la folle histoire du Marquis de Montespan.

Qu’est-ce qui vous a séduit dans cette histoire du plus célèbre cocu de France ?

J’ai tout de suite été séduit par l’histoire incroyable de cet homme ! Tout le monde connaît, ou a déjà entendu parler de la marquise de Montespan, favorite du roi Louis XIV, qui exerça à la cour de France un trafic d’influence sans pareille. Mais qui connaît l’histoire de son époux, Louis-Henri de Pardaillan de Gondrin, Marquis de Montespan ? Un homme à contre-courant qui se marie par amour, chose rarissime à l’époque, avec la séduisante Françoise de Rochechouart de Mortemart, future Athénaïs marquise de Montespan. Un hobereau qui se voit privé de son épouse par le Roi. Un mari cocufié dont Molière s’inspirera dans sa célèbre pièce Amphitryon. Un « cocu magnifique » qui mènera une véritable guerre contre l’un des monarques les plus puissants, et dont on se délecte des multiples frasques et stratagèmes. C’est ce qui m’a séduit dans cette histoire que nous livre Jean Teulé. Une peinture originale parfois pittoresque et assez noire du Grand Siècle, une époque qui pourtant a fait la gloire de la France.

Dans cette pièce, vous donnez à Monsieur de Montespan le rôle principal alors que l’histoire le met au second plan, est-il à sa façon un anti-héros ?

Totalement ! Un homme décrié à son époque mais dont Jean Teulé fait un anti-héros romantique fascinant. Un homme vraiment étonnant qui mérite à son tour d’être dans la lumière et d’avoir son nom inscrit dans la Grande Histoire.

Considérez-vous cette pièce comme un marivaudage, où la comédie et la tragédie ne sont jamais loin ? Ou s’agit-il d’une restitution historique fidèle ?

Pour moi ce n’est ni un marivaudage, ni une restitution historique fidèle mais plutôt un conte poétique où l’on peut rire et s’émouvoir.

Comment avez-vous constitué votre équipe artistique et conçu votre scénographie ?

J’ai choisi trois comédiens pour raconter cette histoire et renforcer la magie du conte. Simon Larvaron interprète le Marquis de Montespan, nous avions déjà travaillé ensemble sur ma première mise en scène. Salomé Villiers interprète la Marquise de Montespan, ainsi que les autres rôles féminins. Michaël Hirsch interprète 20 personnages tout au long de la pièce, nous nous sommes rencontrés au Lucernaire et j’aime beaucoup son travail.

Pour le décor, j’ai fait appel à Emmanuel Charles dont j’ai découvert le magnifique travail la première fois dans Tartuffe mis en scène par Michel Fau, au Théâtre de la Porte Saint-Martin. Le décor se compose d’un tulle imprimé en fond de scène, de panneaux de bois peints amovibles (un lustre, des cornes, une enseigne), et de projections. Autant d’évocations que d’objets réalistes qui soulignent la poésie du conte et nous projettent dans les différents lieux de l’époque.

Dans quelle(s) direction(s) avez-vous dirigé les comédiens ?

Ma direction d’acteur s’est beaucoup axée sur le travail du conteur. Comment raconter cette folle histoire, comment susciter l’imaginaire du spectateur ? Il faut à la fois vivre les situations tout en laissant une légère distance car le spectacle est très séquencé et se déroule sur 44 ans. L’acteur devient conteur et redevient personnage dans un rythme vif accompagnant le spectateur au fil de l’action.

Comment s’est organisé/déroulé le travail au plateau ?

Comme je savais que le théâtre de la Huchette était un petit plateau, j’ai souhaité d’abord travailler les placements en déroulant toute la pièce. Les acteurs pouvaient laisser libre cours à leurs fantaisies et à leurs envies. J’ai ensuite travaillé les intentions sans me soucier trop des déplacements, puis nous avons conjugué le tout ! Le placement avant les intentions, puis les intentions sans les mouvements, puis les deux !

Vous travaillez avec la même famille d’acteurs, de producteurs, de créateurs, est-ce que la notion de troupe est pour vous fondamentale ?

Ça dépend, je pense qu’il est important de travailler avec des partenaires que l’on connaît et qui vous connaissent mais je suis aussi pour découvrir de nouvelles personnes. Dans Le Montespan qui est ma deuxième mise en scène je dirais que c’est ce que j’ai fait ! Je connaissais la moitié de mon équipe et l’autre moitié a été une découverte. La notion de troupe est fondamentale pour moi, le comédien doit se sentir en confiance dans un environnement familial où il peut parler librement de tout.

« Il faut cultiver la part de l’enfant que l’on a en chacun de nous... »

Une confidence ?

J’étais très stressé à l’idée que l’auteur Jean Teulé vienne découvrir Le Montespan car j’ai une grande admiration pour son travail. C’est toujours un défi quand l’auteur est là ! Quel soulagement d’avoir eu ces retours enthousiastes à la première représentation.

Un acte de résistance ?

Eh bien je dirais de continuer la création malgré une conjoncture très difficile, de s’accrocher et de raconter toujours des histoires.

Un signe particulier ?

J’adore les ombres portées, j’avais déjà utilisé cet effet dans ma première mise en scène. Je trouve que le jeu d’ombre développe l’imaginaire du spectateur, et cela ramène à l’enfance. Je crois qu’il faut cultiver la part de l’enfant que l’on a en chacun de nous !

Un message personnel ?

Je voudrais remercier mes créateurs, Denis Koransky à la lumière, Xavier Ferri à la création sonore, Virginie H aux costumes, et Emmanuel Charles au décor. La création est un travail d’équipe et je leur dois beaucoup. Alors merci à eux pour leur engagement, leur soutien, et leur magnifique travail de création.

Un talent à suivre ?

​​Il y en a trois : Salomé Villiers, une comédienne et metteure en scène fascinante ; Simon Larvaron, un comédien charismatique et d’une grande tendresse ; Michaël Hirsch, un comédien aux multiples facettes et à la fantaisie débordante.

Ce que vous n’aimeriez pas que l’on dise de vous ?

Qu’il faut arrêter la mise en scène ! Ce serait dur…

Vos prochains projets ?

Pour le moment, je n’ai pas d’autres projets de mise en scène mais j’y réfléchis car j’aime ça ! En tant que comédien, j’ai la chance de jouer en ce moment en tournée Les Voyageurs du Crime, une comédie policière. Je serais au festival d’Avignon dans La Grande Musique, une pièce de Stéphane Guérin, un auteur que j’affectionne particulièrement. Je suis également en préparation d’un spectacle intitulé La Vie Moderne de Stéphane Guérin, racontant la vie de la première peintre impressionniste Berthe Morisot...