David Talbot

« La culture c’est aussi bien une "Gymnopédie" d’Erik Satie qu'un jambon beurre »

Très tôt, il découvre, par hasard, ce qui sera sa passion, sa vie : le théâtre. Cet amour des planches, du jeu n'a jamais quitté David Talbot, et le porte à jouer pour des metteurs, metteuses en scène comme Marion Bierry ou encore Sébastien Azzopardi. Depuis ce début d'année, c’est sous l'œil de la metteuse en scène Salomé Lelouch qu’il répète aux côtés de Alex Lutz, Julie Depardieu et Ludivine de Chastenet pour l’adaptation théâtrale de Snow Thérapie de Ruben Östlund. Entre son regard sur la culture et le théâtre de demain, il nous en dit plus sur cette thérapie de couple. 

« J’ai commencé le théâtre vers 8 ans, dans un village des Ardennes... »

En quoi le théâtre est-il essentiel aujourd’hui ?

C’est une expérience collective, sensible, vivante, qui nous unit. Il transmet une vision non comptable des choses dans une société où les chiffres, les pourcentages, les statistiques nous envahissent. C’est un miroir nécessaire sur le monde, qui peut être le reflet parfait de la réalité ou bien, comme à la manière des miroirs de fête foraine, nous font perdre les repères et déforment joyeusement les corps, réduisent les jambes et allongent les têtes.

Comment voyez-vous le théâtre demain ?

Je le vois en équipe ! Continuer à explorer, se regrouper, en ayant les moyens de se mettre au travail concrètement, et aussi en rendant les frontières entre théâtre public et théâtre privé encore plus poreuses, faire des passerelles entre disciplines, entre "styles" de théâtre, sans étiquette, pour faire naître des formes inattendues.

J’aimerais monter un jour Le square de Marguerite Duras, dans des parcs publics ou bien au bord de la mer. Faire vivre in situ cette rencontre d’une femme et d’un homme sur un banc.

Votre définition de la culture ?

J’aime la penser au sens large, sans échelle de valeur. La culture c’est aussi bien une Gymnopédie d'Erik Satie, une pièce de boulevard, un tableau de David Hockney, La Pluie d’été de Marguerite Duras, une partie de Domino, une histoire de Titi et Grosminet ou un jambon beurre. On pourrait continuer la liste à l’infini. C’est ce qui nous rassemble et nous construit. C’est notre réservoir commun.

Vos batailles pour la culture ?

Humblement, dans tous les petits gestes au quotidien. Dans le choix d’une lecture, dans la curiosité d’aller voir un film, un documentaire, qui n’a pas forcément une visibilité médiatique très grande. Participer, quand on peut, à des aventures plus fragiles, mais qui nous emportent. Aller à la rencontre d’un public qui n’a pas l’habitude de franchir les portes d’un théâtre. Par exemple, j’aimerais monter un jour Le square de Marguerite Duras, dans des parcs publics ou bien au bord de la mer. Faire vivre in situ cette rencontre d’une femme et d’un homme sur un banc.

Qu'est-ce qui vous a fait aimer / choisir le théâtre ?

J’ai commencé le théâtre vers 8 ans, dans un village des Ardennes où on montait des pièces pendant les vacances d’été. C’est là où tout a commencé. Je me souviens de mon premier rôle, c’était un remplacement de dernière minute, je jouais un page, j’avais une phrase dont je me rappelle encore : "Attendez-moi, attendez-moi, ne me laissez pas tout seul !" La salle a éclaté de rire.

Une rencontre artistique décisive ?

Massimo Furlan, lors d’un stage à Toulouse. Il ne se pose pas le problème de la limite entre les genres. Il a fait des spectacles incroyables comme la pièce Furlan/numéro 23 où il rejoue toutes les actions de Michel Platini lors de la finale de la coupe du monde 1982 entre l’Italie et l’Allemagne ou bien 1973, spectacle dans lequel il reprend en chanson l’intégralité de l’Eurovision de 1973. On avait des intervenants au parcours aussi hétéroclite que Marie Myriam (dernière chanteuse française à avoir gagné l’Eurovision) ou un anthropologue comme Marc Augé. On commençait chaque journée par une heure de dessin. Cette expérience raisonne et me parle encore aujourd’hui.

Un personnage fétiche ?

Charles Bovary. J’ai adoré ce personnage. Un cocu héroïque.

« C’est un spectacle sur le couple, la famille, mais pas que... »

Comment est né ce projet Snow Thérapie ? Qu’est-ce qui vous a séduit dans ce texte ?

Déjà, j’avais beaucoup aimé le film de Ruben Östlund. Puis, quand Salomé Lelouch m’a contacté et que j’ai lu l’adaptation théâtrale de Jeanne Le Guillou et de Bruno Dega, ce qui m’a plu avant tout c’est la construction des scènes et la simplicité des dialogues. C’est une langue très parlée, quotidienne. Ça laisse beaucoup de place au jeu, aux nuances, à l’interprétation. Le sous-texte est riche. Ce qui compte est aussi dans ce qui n’est pas dit. C’est très jouissif. Les possibilités sont grandes.

Quelle est la différence majeure de cette adaptation théâtrale du film ?

Dans le film, dès le début, il nous est montré la scène qui va être à l’origine du malaise et qui va faire débat au sein du couple. Le spectateur voit ce qu’il s’est passé réellement lors de ce déjeuner en famille. Il a donc un point de vue très clair dès le départ. Pas dans l’adaptation théâtrale. Ainsi, je pense que le spectateur sera plus "baladé" entre les deux versions divergentes racontées par le couple. J’ai aussi l’intuition que la pièce sera plus drôle que le film qui est magistralement froid et oppressant.

Salomé nous laisse libre de proposer des choses et porte un regard très joyeux, très bienveillant.

Comment décririez-vous ce personnage Niels que vous interprétez dans ce huis clos ?

Il me semble que c’est un mélange entre plusieurs personnages du film et qu’il y a aussi dans certains de ses aspects, une part de création de Jeanne Le Guillou et Bruno Dega. C’est un personnage totalement extérieur au couple. Il ne les connaît pas, ils ne sont d’ailleurs pas du même milieu social. Il est invité chez eux, parachuté même on peut dire, par une amie du couple qu’il vient de rencontrer sur les pistes de ski et dont il est l’amant. Il assiste donc à la scène un peu comme le spectateur de la pièce et sera amené, de par son histoire, ses expériences, sa situation familiale… à prendre part au débat.

Comment s’est organisé le travail au plateau ? Dans quelle(s) direction(s) vous a dirigé Salomé Lelouch ?

Ça s’est passé très simplement. Dans l’échange, le questionnement. On en est au début du travail. On a d’abord fait, comme on dit "un travail à la table" puis on s’est "gentiment" mis en mouvement. Salomé nous laisse libre de proposer des choses et porte un regard très joyeux, très bienveillant.

Il y a un grand mouvement de prise de conscience de la suprématie masculine, de déconstruction du modèle patriarcal. Cette domination oppresse tout le monde. Comme le dit Françoise Héritier, la différence des sexes, qui est au fondement de notre vision binaire constitue le "butoir ultime de la pensée".

Selon vous, est-ce un spectacle sur le couple ? l’ordre familial ? ou sur l’écroulement de la société et de ses repères ?

Oui, c’est un spectacle sur le couple. La réaction inattendue du père va fatalement les amener à réévaluer leurs rôles et leurs certitudes. C’est un spectacle sur le couple, la famille, mais pas que. Ça va au-delà je pense. C’est un spectacle sur nos représentations. Sur nos discours, l’histoire qu’on raconte à l’autre et à nous-mêmes à postériori. Sur nos enfermements aussi. Cela nous révèle combien l’image du héros peut être un fardeau, une charge pour les hommes, et pour les femmes aussi. Notre monde est profondément imprégné d’archaïsmes machistes. Aujourd’hui, il y a un grand mouvement de prise de conscience de la suprématie masculine, de déconstruction du modèle patriarcal. Cette domination oppresse tout le monde. Comme le dit Françoise Héritier, la différence des sexes, qui est au fondement de notre vision binaire (féminin/masculin, noir/blanc, inférieur/supérieur…) constitue le "butoir ultime de la pensée". Il est temps que ça bouge.

Peut-on parler de thérapie familiale ? Est-ce une thérapie dérangeante ? Y-a-t-il une place pour l’humour ?

Oui, une Snow thérapie. Et comme dans toute thérapie, on découvre des choses sur soi et sur l’autre aussi. On soulève le tapis. C’est dérangeant forcément. Ça questionne, ça bouleverse les relations, ça fait bouger les lignes. Et il me semble avoir lu quelque part que snow veut dire aussi "baratiner" en langage familier. C’est vrai que les personnages se montrent parfois de très mauvaise foi !  Ce qui donne forcément une place à l’humour.

Le propos égratigne l’individualisme dans la société. Cela résonne-t-il avec aujourd’hui, la perte de confiance de l’État et du patriarcat ?

On rit mais derrière ce rire, il y a un constat glaçant. Nous sommes devenus par certains côtés des monstres d’égoïsme, qui supportons de plus en plus difficilement la moindre contrainte, la moindre difficulté. La première étape est de se regarder, de reconnaître nos maux.

Quels sont vos prochains projets ?

J’entends battre mon cœur un spectacle d’après les récits de Raymond Carver adapté et mis en scène par Sandrine Molaro et Gilles-Vincent Kapps. Unique au monde, une pièce écrite et mise en scène par Elie Rapp. Coline sur le pas de porte de Laëtitia Lerogeron mis en scène par Brice Hillairet que nous lirons prochainement au Théâtre 13.

« Nous allons nous connaître... »

Une confidence ?

Parfois, lorsque je marche dans la rue, je peux me mettre dans la tête de compter la totalité des fenêtres. C’est crevant. Ça m'arrive rarement, heureusement.

Un acte de résistance ?

Ne pas me racheter de téléphone portable malgré ses bugs fréquents à des moments inopportuns.

Un signe particulier ?

Adore le flan.

Un message personnel ?

"J’arrive, attendez-moi, nous allons nous connaître".

Un talent à suivre ?

Laëtitia Lerogeron, l’autrice de Coline sur le pas de porte.

Ce que vous n’aimeriez pas que l’on dise de vous ?

"C’est un mauvais coup".

« Avec... »

...Patatutopia d’Agnès Varda, j’ai eu envie de cultiver.

...Twin Peaks de David Lynch j’ai compris ne pas comprendre.

...La Place d’Annie Ernaux, j’ai appris à ne pas oublier.

...L’Empire des signes de Roland Barthes j’ai décidé de devenir Japonais.

...Les Vacances de monsieur Hulot de Jacques Tati, j’ai rencontré mon oncle.

...C’est comme ça des Rita Mitsouko, j’ai commis des excès

...Pour un oui ou pour un non de Nathalie Sarraute, j’ai goûté au pouvoir des mots.

« Mon message au public... »

À très vite. Gros bisous.

Publié le
09
.
02
.
2021
Par Jérôme Réveillère

Très tôt, il découvre, par hasard, ce qui sera sa passion, sa vie : le théâtre. Cet amour des planches, du jeu n'a jamais quitté David Talbot, et le porte à jouer pour des metteurs, metteuses en scène comme Marion Bierry ou encore Sébastien Azzopardi. Depuis ce début d'année, c’est sous l'œil de la metteuse en scène Salomé Lelouch qu’il répète aux côtés de Alex Lutz, Julie Depardieu et Ludivine de Chastenet pour l’adaptation théâtrale de Snow Thérapie de Ruben Östlund. Entre son regard sur la culture et le théâtre de demain, il nous en dit plus sur cette thérapie de couple. 

Photo © Sarah Robine

« J’ai commencé le théâtre vers 8 ans, dans un village des Ardennes... »

En quoi le théâtre est-il essentiel aujourd’hui ?

C’est une expérience collective, sensible, vivante, qui nous unit. Il transmet une vision non comptable des choses dans une société où les chiffres, les pourcentages, les statistiques nous envahissent. C’est un miroir nécessaire sur le monde, qui peut être le reflet parfait de la réalité ou bien, comme à la manière des miroirs de fête foraine, nous font perdre les repères et déforment joyeusement les corps, réduisent les jambes et allongent les têtes.

Comment voyez-vous le théâtre demain ?

Je le vois en équipe ! Continuer à explorer, se regrouper, en ayant les moyens de se mettre au travail concrètement, et aussi en rendant les frontières entre théâtre public et théâtre privé encore plus poreuses, faire des passerelles entre disciplines, entre "styles" de théâtre, sans étiquette, pour faire naître des formes inattendues.

J’aimerais monter un jour Le square de Marguerite Duras, dans des parcs publics ou bien au bord de la mer. Faire vivre in situ cette rencontre d’une femme et d’un homme sur un banc.

Votre définition de la culture ?

J’aime la penser au sens large, sans échelle de valeur. La culture c’est aussi bien une Gymnopédie d'Erik Satie, une pièce de boulevard, un tableau de David Hockney, La Pluie d’été de Marguerite Duras, une partie de Domino, une histoire de Titi et Grosminet ou un jambon beurre. On pourrait continuer la liste à l’infini. C’est ce qui nous rassemble et nous construit. C’est notre réservoir commun.

Vos batailles pour la culture ?

Humblement, dans tous les petits gestes au quotidien. Dans le choix d’une lecture, dans la curiosité d’aller voir un film, un documentaire, qui n’a pas forcément une visibilité médiatique très grande. Participer, quand on peut, à des aventures plus fragiles, mais qui nous emportent. Aller à la rencontre d’un public qui n’a pas l’habitude de franchir les portes d’un théâtre. Par exemple, j’aimerais monter un jour Le square de Marguerite Duras, dans des parcs publics ou bien au bord de la mer. Faire vivre in situ cette rencontre d’une femme et d’un homme sur un banc.

Qu'est-ce qui vous a fait aimer / choisir le théâtre ?

J’ai commencé le théâtre vers 8 ans, dans un village des Ardennes où on montait des pièces pendant les vacances d’été. C’est là où tout a commencé. Je me souviens de mon premier rôle, c’était un remplacement de dernière minute, je jouais un page, j’avais une phrase dont je me rappelle encore : "Attendez-moi, attendez-moi, ne me laissez pas tout seul !" La salle a éclaté de rire.

Une rencontre artistique décisive ?

Massimo Furlan, lors d’un stage à Toulouse. Il ne se pose pas le problème de la limite entre les genres. Il a fait des spectacles incroyables comme la pièce Furlan/numéro 23 où il rejoue toutes les actions de Michel Platini lors de la finale de la coupe du monde 1982 entre l’Italie et l’Allemagne ou bien 1973, spectacle dans lequel il reprend en chanson l’intégralité de l’Eurovision de 1973. On avait des intervenants au parcours aussi hétéroclite que Marie Myriam (dernière chanteuse française à avoir gagné l’Eurovision) ou un anthropologue comme Marc Augé. On commençait chaque journée par une heure de dessin. Cette expérience raisonne et me parle encore aujourd’hui.

Un personnage fétiche ?

Charles Bovary. J’ai adoré ce personnage. Un cocu héroïque.

« C’est un spectacle sur le couple, la famille, mais pas que... »

Comment est né ce projet Snow Thérapie ? Qu’est-ce qui vous a séduit dans ce texte ?

Déjà, j’avais beaucoup aimé le film de Ruben Östlund. Puis, quand Salomé Lelouch m’a contacté et que j’ai lu l’adaptation théâtrale de Jeanne Le Guillou et de Bruno Dega, ce qui m’a plu avant tout c’est la construction des scènes et la simplicité des dialogues. C’est une langue très parlée, quotidienne. Ça laisse beaucoup de place au jeu, aux nuances, à l’interprétation. Le sous-texte est riche. Ce qui compte est aussi dans ce qui n’est pas dit. C’est très jouissif. Les possibilités sont grandes.

Quelle est la différence majeure de cette adaptation théâtrale du film ?

Dans le film, dès le début, il nous est montré la scène qui va être à l’origine du malaise et qui va faire débat au sein du couple. Le spectateur voit ce qu’il s’est passé réellement lors de ce déjeuner en famille. Il a donc un point de vue très clair dès le départ. Pas dans l’adaptation théâtrale. Ainsi, je pense que le spectateur sera plus "baladé" entre les deux versions divergentes racontées par le couple. J’ai aussi l’intuition que la pièce sera plus drôle que le film qui est magistralement froid et oppressant.

Salomé nous laisse libre de proposer des choses et porte un regard très joyeux, très bienveillant.

Comment décririez-vous ce personnage Niels que vous interprétez dans ce huis clos ?

Il me semble que c’est un mélange entre plusieurs personnages du film et qu’il y a aussi dans certains de ses aspects, une part de création de Jeanne Le Guillou et Bruno Dega. C’est un personnage totalement extérieur au couple. Il ne les connaît pas, ils ne sont d’ailleurs pas du même milieu social. Il est invité chez eux, parachuté même on peut dire, par une amie du couple qu’il vient de rencontrer sur les pistes de ski et dont il est l’amant. Il assiste donc à la scène un peu comme le spectateur de la pièce et sera amené, de par son histoire, ses expériences, sa situation familiale… à prendre part au débat.

Comment s’est organisé le travail au plateau ? Dans quelle(s) direction(s) vous a dirigé Salomé Lelouch ?

Ça s’est passé très simplement. Dans l’échange, le questionnement. On en est au début du travail. On a d’abord fait, comme on dit "un travail à la table" puis on s’est "gentiment" mis en mouvement. Salomé nous laisse libre de proposer des choses et porte un regard très joyeux, très bienveillant.

Il y a un grand mouvement de prise de conscience de la suprématie masculine, de déconstruction du modèle patriarcal. Cette domination oppresse tout le monde. Comme le dit Françoise Héritier, la différence des sexes, qui est au fondement de notre vision binaire constitue le "butoir ultime de la pensée".

Selon vous, est-ce un spectacle sur le couple ? l’ordre familial ? ou sur l’écroulement de la société et de ses repères ?

Oui, c’est un spectacle sur le couple. La réaction inattendue du père va fatalement les amener à réévaluer leurs rôles et leurs certitudes. C’est un spectacle sur le couple, la famille, mais pas que. Ça va au-delà je pense. C’est un spectacle sur nos représentations. Sur nos discours, l’histoire qu’on raconte à l’autre et à nous-mêmes à postériori. Sur nos enfermements aussi. Cela nous révèle combien l’image du héros peut être un fardeau, une charge pour les hommes, et pour les femmes aussi. Notre monde est profondément imprégné d’archaïsmes machistes. Aujourd’hui, il y a un grand mouvement de prise de conscience de la suprématie masculine, de déconstruction du modèle patriarcal. Cette domination oppresse tout le monde. Comme le dit Françoise Héritier, la différence des sexes, qui est au fondement de notre vision binaire (féminin/masculin, noir/blanc, inférieur/supérieur…) constitue le "butoir ultime de la pensée". Il est temps que ça bouge.

Peut-on parler de thérapie familiale ? Est-ce une thérapie dérangeante ? Y-a-t-il une place pour l’humour ?

Oui, une Snow thérapie. Et comme dans toute thérapie, on découvre des choses sur soi et sur l’autre aussi. On soulève le tapis. C’est dérangeant forcément. Ça questionne, ça bouleverse les relations, ça fait bouger les lignes. Et il me semble avoir lu quelque part que snow veut dire aussi "baratiner" en langage familier. C’est vrai que les personnages se montrent parfois de très mauvaise foi !  Ce qui donne forcément une place à l’humour.

Le propos égratigne l’individualisme dans la société. Cela résonne-t-il avec aujourd’hui, la perte de confiance de l’État et du patriarcat ?

On rit mais derrière ce rire, il y a un constat glaçant. Nous sommes devenus par certains côtés des monstres d’égoïsme, qui supportons de plus en plus difficilement la moindre contrainte, la moindre difficulté. La première étape est de se regarder, de reconnaître nos maux.

Quels sont vos prochains projets ?

J’entends battre mon cœur un spectacle d’après les récits de Raymond Carver adapté et mis en scène par Sandrine Molaro et Gilles-Vincent Kapps. Unique au monde, une pièce écrite et mise en scène par Elie Rapp. Coline sur le pas de porte de Laëtitia Lerogeron mis en scène par Brice Hillairet que nous lirons prochainement au Théâtre 13.

« Nous allons nous connaître... »

Une confidence ?

Parfois, lorsque je marche dans la rue, je peux me mettre dans la tête de compter la totalité des fenêtres. C’est crevant. Ça m'arrive rarement, heureusement.

Un acte de résistance ?

Ne pas me racheter de téléphone portable malgré ses bugs fréquents à des moments inopportuns.

Un signe particulier ?

Adore le flan.

Un message personnel ?

"J’arrive, attendez-moi, nous allons nous connaître".

Un talent à suivre ?

Laëtitia Lerogeron, l’autrice de Coline sur le pas de porte.

Ce que vous n’aimeriez pas que l’on dise de vous ?

"C’est un mauvais coup".

« Avec... »

...Patatutopia d’Agnès Varda, j’ai eu envie de cultiver.

...Twin Peaks de David Lynch j’ai compris ne pas comprendre.

...La Place d’Annie Ernaux, j’ai appris à ne pas oublier.

...L’Empire des signes de Roland Barthes j’ai décidé de devenir Japonais.

...Les Vacances de monsieur Hulot de Jacques Tati, j’ai rencontré mon oncle.

...C’est comme ça des Rita Mitsouko, j’ai commis des excès

...Pour un oui ou pour un non de Nathalie Sarraute, j’ai goûté au pouvoir des mots.

« Mon message au public... »

À très vite. Gros bisous.